10 janvier 2022
Présentement, l’évocation de la pénurie de main-d’œuvre est sur toutes les lèvres et dans tous les médias :
Bref, cette pénurie a le dos large. Elle exige plus que jamais, une analyse des conditions de travail globales.
Les difficultés que les organisations peuvent avoir au plan du recrutement ne se limitent pas aux impacts de la COVID-19. D’ailleurs, nous avions déjà commencé à couvrir cet enjeu de taille, dans notre article Quelques réflexions avant d'embaucher votre prochaine direction générale, en soulignant certains défis récurrents.
Aujourd’hui, les résultats de notre enquête OBNL+ nous permettent d’être plus précis au niveau des indicateurs qui influent sur les réalités du milieu notamment en ce qui concerne les conditions salariales. Ainsi, nous avons pu dégager des tendances qui affectent certainement la compétitivité *. Rappelons que l’enquête OBNL+ a été réalisée au printemps 2021 auprès de 847 OBNL des 14 secteurs et des 16 régions administratives du Québec.
Voici quatre éléments à considérer:
On dénote tant dans le domaine public que privé une corrélation en lien avec la taille des organismes. Plus ces derniers ont un chiffre d’affaires ou un budget de fonctionnement important ainsi qu’un grand nombre d’employés, plus le salaire moyen de leur direction générale, tous secteurs confondus, est élevé.
À titre de comparatif :
Cet élément exerce une influence indéniable sur la capacité de rétention du personnel des plus petits organismes et sur leur attractivité dans le marché actuel. Pour renverser la vapeur au cours des prochains mois et années, il serait souhaitable pour ces organisations de mettre de l’avant leur marque employeur en revisitant, entre autres, leur positionnement. La mission ou la cause d’un OBNL ne doivent pas signifier bénévolat. Un OBNL peut chercher à embaucher des têtes d’affiches ou des profils de carrière plus senior.
Malheureusement, dans ce milieu, investir dans la main d'œuvre est trop souvent perçu comme une dépense à court terme puisque les bénéfices ne deviennent visibles que sur le long terme. La gestion d’un OBNL exige de la prudence, mais la propension à éviter les risques et à capitaliser sur le statu quo peut nuire à l’attractivité. Alors, dépoussiérer votre modèle tout en instaurant une gestion du changement pourrait s’avérer être une piste d’intérêt.
Tous les secteurs de marché sont actuellement en concurrence, incluant les différents secteurs des OBNL. Selon les résultats de l’enquête, voici le salaire de base moyen d’une direction générale dans les secteurs suivants :
Évidemment, les secteurs où les salaires sont élevés sont plus attractifs et ce faisant, la rétention de leur personnel peut s’en trouver améliorée.
À défaut de pouvoir concurrencer sur le salaire, l’OBNL pourra jouer les facteurs de qualité de vie, de flexibilité d’horaire, de conciliation travail/famille, de vacances et autres. L’organisme pourra également réfléchir à des cibles particulières de recrutement pour lesquels le salaire n’est pas le facteur déterminant: par exemple, un premier emploi pour nouveaux gradués à la recherche d’expérience ultérieurement monnayable ou des personnes préretraitées.
La qualité de vie est maintenant un mantra des nouvelles générations. Les gestionnaires d’OBNL doivent maintenant y être très sensibles.
Or, le secteur des OBNL offre rarement des programmes de retraites ou d’assurance-collectives capables d’affronter la concurrence.
À défaut d’un régime collectif de retraite ou d’assurances, l’organisme peut envisager donner un pourcentage compensatoire sur le plan monétaire. Ex : 5-10% du salaire pour que l’employé cotise à un REER.
Les jeunes familles cherchent souvent des conditions favorables à la conciliation travail-famille. Dans ce cas, elles seront plus sensibles à la flexibilité d’horaire, à des congés mobiles, ou encore à des possibilités de congés sans solde ou des vacances prolongées en période estivale.
Par ailleurs, pour les employés à la recherche d’un organisme où faire carrière, le manque de bénéfices marginaux, tel un programme de retraite, pourra peser lourd et sera défavorable au secteur des OBNL et encore plus en période de pénurie généralisée.
Pour travailler en OBNL, il faut être une personne de cœur. Contribuer à faire progresser une mission demande une adhésion personnelle et même une dévotion plus grande que pour d’autres types de travail.
D’ailleurs, notre enquête révèle des statistiques impressionnantes concernant les heures supplémentaires.
Toutefois, seulement 21% des organismes les rémunèrent.
Cette pratique, grandement répandue, peut conduire à l’épuisement professionnel et va à l’encontre des bonnes pratiques en santé et sécurité au travail. Évidemment, cela aura une influence certaine sur la rétention, ainsi que sur la productivité de manière générale.
En conclusion
Dans un contexte général de pénurie, les employeurs d’OBNL ne peuvent se contenter de considérer qu’il s’agit d’une fatalité. Ils doivent absolument mettre de l’avant un exercice pour mesurer leurs facteurs concurrentiels afin d’établir leur attractivité et leur rétention.
Nous sommes très heureux de pouvoir enfin se baser sur des données concrètes descriptives du marché des OBNL. À la lumière de cette enquête, nous sommes aussi plus à même de prédire que la pénurie de main-d’œuvre risque d’affecter davantage le secteur des OBNL, aussi longtemps que les pratiques courantes en matière de conditions de travail globales ne seront pas revues.
Cela dit, nous sommes tout à fait conscients que les ressources du secteur ne sont pas illimitées. Il est clair que ce sera un défi de gestion de recruter de manière optimale. Mais, il importe de se rappeler que la récompense financière n’est qu’un élément de la stratégie de fidélisation. Nous constatons que plusieurs organismes sont sur la bonne voie en prenant conscience de ces enjeux et en usant de créativité pour attirer des talents et aussi pour assurer un environnement de travail de qualité.
*L’enquête OBNL+ été réalisée au printemps 2021 auprès de 847 OBNL des 14 secteurs et des 16 régions administratives du Québec. En savoir plus sur la 2e édition de l’enquête (2023)
--- publié le 10 janvier 2022
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À propos de l’auteur
Stéphane cumule plus de 29 ans d'expérience dans le monde des organismes à but non lucratif (OBNL). Ancien président d'Événement’ciel pendant 15 ans, il a également offert des services et formations en commandite et revenus autogénérés de 2011 à 2017 sous le nom le Concierge Marketing. Pédagogue reconnu, il a enseigné la stratégie, le financement et la commercialisation événementielle à l'ITHQ. Certifié administrateur de sociétés, il a complété le programme de certification universitaire en gouvernance de sociétés de l’Université Laval. Passionné par des sujets tels que la gouvernance, la commercialisation, le financement, le membership, et la gestion d'OBNL, Stéphane partage régulièrement des contenus originaux sur www.espaceobnl.ca.
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